
M A S Œ U R
Solo de cordes chantées
Textes et musiques Gabrielle Gonin
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Le pêcheur, l'âne et la barque
Une barque est arrimée dans un joli port de pêche ; on l'a laissée là, elle sèche. Depuis des années, je la voie en passant et personne ne peut l'enlever, personne d'autre que son pêcheur. C'est une barque aux mille couleurs et lui seul sait la faire naviguer. Parfois, je la regarde balloter dans les flots quand un autre navire entre au port, venant du large. Je crois qu'elle se souvient de l'océan, et que cette corde qui l'attache, elle voudrait la couper. Mais seule, elle n'est qu'une coque vide, et son pêcheur boit, dans tous le tonneaux de la ville, sans plus jamais s'approcher d'elle.
Moi, j'ai été le voir, ce pêcheur. Il ne parle que du large, de l'océan, il rêve de baleines, de goélands. Mais il s'est oublié, son corps ne prends plus de chemins et ses mains ne servent qu'à soulever des bouteilles. Seuls ses yeux se perdent parfois dans la mer, dans le lointain. Mais amarré à son tonneau, attaché à ses côtes sèches, il se blotti et il dessèche.
Un jour passa une femme avec un âne. Elle était vêtue de noir et peut-être avait-elle une grande faux à la main ? L'homme la regarda dans les yeux, il sentit la vie dans ce corps qu’il avait déserté depuis longtemps. Elle attacha l'âne dans la barque.
Il dit : un âne ? Dans une barque ?
Et Elle : et pourquoi pas ? Si c'est lui qui te montre le chemin... L'âne, il connait les étoiles. Et puis... seul, tu vas voir comme tu vas râler ! Je préfère te mettre un âne. Tire la rame, lâche le bord, laisse la lame t'emporter.
Alors le pêcheur dû choisir, choisir sa lame, celle de la faux ou de la mer. Oubliant son tonneau pour un instant, sûr d'y passer quoi qu'il arrive, il s’élança vers l'azur bleuté avec sa barque colorée, son âne et son corps fatigué.
On ne sait pas ce qu'il advint, car la mer est trop grande et garde ses mystères. Mais moi, moi qui suis restée sur le quai, depuis, je regarde la mer. Je vois un homme qui rit, qui danse au loin dans l'océan, avec son âne et les goélands. Je vois, quand le soleil se couche, les mille couleurs de sa barque et parfois, dans le vent qui souffle, je crois même entendre leurs chants. Et quand je pense à cette femme, je me demande si je l'attends, pour qu'elle me pousse vers l'océan, si je désire sa venue ou si je m'y jette maintenant, si je m'y jette nue.

La vague
Derrière la vague, il y a une vague, et sur le sable une carcasse. Elle s'ouvre comme une fleur, attachée aux profondeurs. Les lambeaux de sa chair noircie par le soleil se détachent. Elle se vide de ce qui l'attache à ce qu'elle fût ailleurs.
Derrière la vague, il y a une vague, et puis une vague encore se brise. Le vent lèche et prend soin de ne rien y laisser. Ses poils, en s'envolant, ont volé son odeur. Sèche de la tête aux pieds. Sec le museau, sèches les pattes, le dos, sec le coeur, secs les os.
Derrière la vague, il y a une vague, et puis une vague, une vague encore, et sur le sable, la carcasse de celle que j'ai été. Puis une vague m'a réveillée, mêlée de sable, mêlée de sel. Une vague alors m'a emportée au fond de moi, où je suis née.
La vague mouille la mer, la brise sèche le vent, le sable use la plage, et moi je suis libre.
Dans tes yeux
Dans tes yeux j'ai vu l'amour, dans tes yeux
Dans tes yeux il y a mon corps amoureux
Il me suit comme un chien
Amour à mort
Dans l'amitié sans te le dire
J'ai vu l'amour grandir
Le programme m'a dépassé
J'ai dû te l'avouer
C'était le grand virage
L'amour n'est pas sage
Il nous a fait courir
De l'espoir à l'impasse
Sans cesse ressurgir
Dans ce palais des glaces
Il nous a fait mentir
Il nous a fait des crasses
Mais dans mon coffre à secrets
L'amour ne meurt jamais
Dans tes yeux j'ai vu l'amour, dans tes yeux
Dans tes yeux il y a mon corps amoureux
Il me suit comme un chien
Amour à mort
Et puis un jour j'ai vu la lune dans tes yeux
Et sans vouloir l’attraper, je me suis approchée
Secret dans tes yeux
Secret dans tes yeux
Dans tes yeux
Mon reflet

Le sexe me vexe
J’ai perdu mon chapeau
J’ai perdu ma veste
J’ai perdu mon manteau
Et tout le reste
J’ai perdu mes talons
Mon pantalon
J’ai perdu, on m’a vue
Je suis toute nue ?
Le sexe me vexe
Les anges m’ont emmenée
J’ai quitté mon décor
J’ai perdu, j’ai gagné...
Ça y est ?
J’ai perdu la tête
J’abandonne mon corps
J’ai perdu, mais en fait
J’en veux encore !
Dis-moi
Dis-moi, où es-tu ?
Dis-moi, que fais-tu ?
Dis-moi, que vois-tu de moi ?
Dis-moi, quand feras-tu
La chasse à mes abus ?
Tu seras fière de moi
Dis-moi comment dire, comment faire, je serai ton petit singe
Promets-moi un avenir et je laverai ton linge
Dis-moi comment faire pour convenir, je serai ton petit singe
Promets-moi un avenir et je laverai ton linge
Dis-moi, suis-je assez nue
Pour mériter
Que tu me prennes dans tes bras ?
Dis-moi, combien de fois
Tes mots tomberont sur moi
Sous le coup de ta loi ?
Dis-moi, dis-moi, dis-moi...
Dis-moi, quand verras-tu
Que tu me manges crue ?
Que ta pensée me broie
Dis-moi, mais que diras-tu
Si je reprends mes droits ?
Dis-moi combien je te dois
Dis-moi comment dire, comment faire, je serai ton petit singe
Promets-moi un avenir et je laverai ton linge
Dis-moi comment faire pour convenir, je serai ton petit singe
Promets-moi un avenir et je laverai ton linge
©Mélissa Antonelli
Les monstres
Les monstres sont tapis
Sous l'oreiller de ma vie
Dans leurs griffes serrées
Es-ce mon corps endormi
Que leurs bras ont trouvé
J'veux pas voir leur gueule dans le miroir
Les monstres sont tapis
Sous les draps je me replie
Étouffant à crever
Pour leur faire oublier
Que le chagrin m'a pris
J'veux pas voir leur gueule dans le miroir
Dansons avec
Sombre silhouette
Oiseau gros bec
Chien à trois têtes
Dragon tempête
Félins, fennecs
Pieuvre discrète
Singe, serpent à sonnettes !
Les montres sont sortis
Leur danse me donne le tournis
Les lattes du plancher
Finiront par céder
Sous le poids de leurs cris
J'veux pas voir leur gueule dans le miroir
Les monstres m'ont saisie
J'ai dansé toute le nuit
Finissant par cracher
Les mots que je gardais
Dans mon ventre noué
Entrevoir ma gueule dans le miroir
Dansons avec
Sombre silhouette
Oiseau gros bec
Chien à trois têtes
Dragon tempête
Félins, fennecs
Pieuvre discrète
Singe, serpent à sonnettes !
Les montres sont assis
Sur l'océan de mon lit
Je les ai vus pleurer
Tant de larmes versées
Pour me rendre la vie
Les monstres m'ont léchée
J'ai pas bougé, j'ai rien dit
Mais j'ai tant transpiré
Que leurs langues ont lavé
Les chagrins de ma vie
Entrevoir ma gueule dans le miroir

Mascarade
Bonjour, merci, juré, promis
J'ai pas les codes de cette mascarade
Ô dites-moi, suis-je malade ?
Faire semblant, pas pour moi
Décryptez s'il-vous-plaît
Le langage caché
Je n'ai pas la clef
C'est la longue route vers la normalité
Où coûte que coûte je me sens paumée
Bonjour, merci, juré, promis
Couchée, gentille, sage et docile
J'ai pas les codes de cette mascarade
Ô dites-moi, suis-je malade ?
Pas rougir, attention
Un corps sans émotions
Tu peux rigoler
Mais pas pleurer
C'est la longue route des emmerdements
Où coûte que coûte tout le monde ment
Bonjour, merci, juré, promis
couchée, gentille, sage et docile
J'ai pas les codes de cette mascarade
Ô dites-moi, suis-je malade ?
Des carrés dans des ronds
C'est une vraie religion
Obéir au patron
Même s'il est con
C'est la longue histoire d'un fonctionnement
Garder le pouvoir avec acharnement
C'est la longue histoire que je ne voulais pas croire
J'ai du mal à admettre sa raison d'être
C'est la longue histoire que je ne voulais pas voir
J'ai du mal à admettre sa raison d'être
La petite voix
lalalala, si tu reste là
Si tu restes là, dit ma petite voix
Si tu restes là, si tu restes là
Il se passera un déplacement
Un voyage entier que tu ne connais pas
Si tu restes là, dit ma petite voix
lalalalala, dit ma petite voix
J’ai fait le tour des Seychelles, gravi les Pyrénées
Voyagé dans le ciel et la Méditerranée
Visité les plus belles cathédrales et rêvé
Que du monde cruel elles pourraient m'abriter
lalalala dit ma petite voix...
J’ai tout vidé les poubelles, nettoyé, balayé
Purifié ma cervelle de la cave au grenier
Passé tous mes appels, bien rempli ma journée
De papiers à la pelle, jusqu’à m’en oublier
lalalala dit ma petite voix...
Sur la voie professionnelle je me suis engagée
J’ai grimpé des échelles, monté des escaliers
De gadins en gamelles j'ai dû me relever
Pour atteindre le ciel, ma fille, faut galérer
lalalala, dit ma petite voix...
Si tu restes là, si tu restes là
Il se passera un déplacement
Un voyage en toi que tu ne connais pas
Si tu restes là, dit ma petite voix
Si tu restes là, tu voyageras
© Nina Remaux
Langue mère
Qu'ai-je fait avec toi, ma langue mère,
Conteuse de mes pas sur cette terre ?
Délier ma langue, délasser mes habitudes, déshabiller mes certitudes.
Prête-moi ta voix, danser avec toi sur ces mots en l'air
Laisse-moi le choix d'en faire avec joie le jeu de ta langue et de ma voix.
Comment faire avec toi, ma langue fière,
Fille des juges et des rois, oh langue amère ?
Délions nos langues, délassons nos habitudes, déshabillons nos certitudes.
Prête-moi ta voix, danser avec toi sur ces mots sévères
Laisse-moi le choix d'en faire avec joie le jeu de ta langue et de ma voix.
Quand je danse avec toi, ma langue mère,
Délestée de ton poids, libre, légère...
Déliant ma langue, délassant mes habitudes, j'ai délaissé mes certitudes.
Prête-moi ta voix, danser avec toi sur ces mots, légère
Laisse-moi le choix d'en faire avec joie le jeu de ta langue et de ma voix.
Le tambour de nos pieds
J’ai deux ailes dans le dos et un sanglier dans le coeur
J’ai déversé toutes mes eaux, je ne crains pas le déshonneur
Tous les champs que j’ai labourés me sont entrés dedans le coeur
Sur un champ de noces brisées j’ai fertilisé mon bonheur
J’ai marché et ils m’ont suivie, j’ai marché toute la nuit
J’ai marché et ils m’ont suivie, je veux retrouver mon pays
Dans l’antre où nous sommes entrés pas à pas pour nous réchauffer
Au creux de la terre remplie mon peuple retrouve la vie
Nous danserons jusqu’à l’oubli, nous danserons toute la nuit
Nous danserons jusqu’à l’oubli, pour retrouver notre pays
J’ai deux ailes dans le dos et un sanglier dans le coeur
J’ai retrouvé dans mon galop la horde de mes frères et sœurs
À perte de vue sur la terre, les ruisseaux deviennent rivières
Le carnaval de nos pas est une révolte de joie
Comme l’eau des fleuves retrouvés, chante le tambour de nos pieds
Le nombre de nos corps en fête fera trembler notre planète
Les vies dansent
Laisse
Laisse-la
Laisse-la venir
Laisse-la
L'avenir
Laisse-la venir
Laisse-la
Laisse
Laisse-la
Laisse-la partir
Laisse-la
Là
C'est là
C'est à partir de là
C'est l'avenir
Là, c'est l'avenir
Là, c'est là
Venir
Allez, laisse-la venir
Venir
Laisse-la venir ou partir
Allez, c'est là
Laisse aller venir
L'avenir salé
Venir
Salé
Venir
Salon
Mourir
Allons
Laissons-la mourir
Laissons-la
Laissons-la mourir
Laissons l'amour rire
Rire
Allez, laissons l'amour rire
Allons, laissons l'amour nourrir
Nous rire l'âme
Ou rire
Les sons
Les sons de l'âme
De l'homme
L'hameçon de l'homme
La leçon de l'âme
Dans le son
Dense
Les vies dansent
La leçon de danse
Allez, danse
Allez, vis, danse !
Un petit garçon
Il y a à l’intérieur de moi
Un petit garçon qui combat
Pour la fille qui s'est laissée faire
Celle qui n'a pas eu le choix
Il dit, si j'avais été là
Pour entendre ses prières...
Un petit garçon au combat
Mais qui n'a pas pu la sauver
Ses armes étaient toutes en carton
Ses escaliers faits de papier
Ses armes étaient toutes en carton
Il n'a pas pu la protéger
La fille a poursuivi sa vie
Le garçon, lui, n'a pas grandi
Chaque jour elle s'inquiète pour lui
Sa colère est un incendie
Elle dit, j'aimerais pouvoir être là
Prendre ce garçon dans mes bras
Laver la culpabilité
De cet enfant au cœur brisé
Ses armes étaient toutes en carton
Ses escaliers faits de papier
Il n'a pas tué le dragon
Il n'a pas pu la délivrer
Un pas, deux pas, une main me tient
Une fois, deux fois, ce n'est plus rien
Encore un corps qu'on a couché
Au sol, un corps qu'on a plaqué
Ses armes étaient toutes en carton
Ses escaliers faits de papier
Il n'a pas tué le dragon
Il n'a pas pu la délivrer
Ses armes étaient toutes en carton
Ses escaliers faits de papier
Il y a encore tant de dragons
Mais cette fois je vais m'en occuper
Joie à venir
J'ai senti l'avenir
Se dessiner au fond de moi
Je l'ai senti s'ouvrir
Plus grand que je le crois
Ouvre-moi
Ouvre-moi tes bras
Ouvre-toi à la joie
Ouvre-toi
Ouvre-moi tes bras
Je chanterai pour toi
J'ai senti l'avenir
Phosphorescente est son aura
Je l'ai senti sourire
Et me laisser le choix
Ouvre-moi
Ouvre-moi tes bras
Ouvre-toi à la joie
Ouvre-toi
Ouvre-moi tes bras
Je chanterai pour toi
Doux est son plaisir
Je le chanterai pour te guérir
Doux est son plaisir
Je l'écouterai pour l'accueillir

©Mélissa Antonelli
Chanson tigre
Ma chère humeur de tigre
Je ne peux pas te mettre en cage.
Tu y serais très malheureuse,
Tu es grande et majestueuse.
Madame la duchesse
T'a pris pour son gentil chaton
Mais elle s'est fait griffer les fesses
On ne joue pas avec les lions.
Mon humeur de tigre incompatible
Avec la bonne société
Est un caïd aux bras solides
Susceptible de déchiqueter
Les mensonges bien ajustés,
Les rideaux, le canapé,
La voiture, la télé
Et la perversité.
Ma chère humeur de tigre,
Quand je te sors dans la rue
Tu ne manques jamais ta cible,
Pas de pitié pour les ordures.
Derrière les carapaces
Tu détectes les rapaces
Et quand de peur mon cœur se glace,
Toi, tu te lèches les moustaches.
Mon humeur de tigre incompatible
Avec la bonne société
Est un caïd aux bras solides
Susceptible de déchiqueter
Les mensonges bien ajustés,
Les rideaux, le canapé,
La voiture, la télé
Et la perversité
Ma chère humeur de tigre,
On critique ton pelage
Et la rumeur dénigre
Ta liberté et ton courage.
J'aime voir ton élégance,
Les meubles volent quand tu danses.
Je chanterai pour ta défense
Et je t’emmènerai en vacances.
Mon humeur de tigre incompatible
Avec la bonne société
Est un caïd aux bras solides
Susceptible de déchiqueter
Les mensonges bien ajustés,
Les rideaux, le canapé,
La voiture, la télé
Et la perversité

©Mélissa Antonelli
La voix lactée
Dans ta bouche ouverte tu portes la voie lactée.
Et ta langue est couverte de brèves étoilées.
Un mot, ta voix en moi, ton souffle un train en marche, la voie lactée cavale en moi
Un mot, ta voix en moi, ton souffle un train en marche, la voie lactée cavale en toi
Sur les rails du son qui m’emmène
Je regarde par la fenêtre
Quand le train traverse la plaine
Le bison s'arrête
Je suis la trace du chemin
Le bison parle dans la tête
Dans la réserve des indiens
j'entends le rock des ancêtres
Ton chant puissant antidote
À mes pensées empoisonnées
Rythme mon souffle et m'emporte
Dans le train à tes côtés
La voie lactée naît dans le son
Et sur ta bouche la guérison
À l'eau de là
Allons voir l'eau où j'ai laissé ma peine
Les jours heureux me montrent le chemin
Allons voir si les arbres se souviennent
De l'eau salée où j'ai plongé mes mains
Allons voir si les oiseaux me reviennent
Dans l'au-delà secret de mon jardin
Si, d'aventure, la barque nous entraine,
Dans les remous j'irai jusqu'à demain
Allons voir l'eau profonde et sereine
Sous les grands arbres je bercerai de mes mains
L'enfant qui dort, fatigué de ses peines,
Le nourrirai des perles de mes seins
Allons voir l'eau jaillir de la fontaine
À l'aube claire qui remplit le matin
À pas de loup, la joie me fera reine
Ainsi, parfois, fleurissent nos chagrins
Allons voir là où j'ai laissé ma peine
Une orchidée a fleuri le chemin
Je m'en irai lui dire combien je l'aime
Et m'allonger, vêtue de son parfum
